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Solution technique

Récupérer la chaleur des eaux grises pour chauffer ou préchauffer l’eau froide sanitaire

Le concept est séduisant et, quoique très simple à mettre en œuvre dans les salles de bains individuelles, il ne constitue qu’un marché de niche. En revanche, dans le collectif, en particulier dans le neuf, le gain, valorisable dans la RT 2012 (titre V), séduit certains maîtres d’ouvrage en quête de réduction des charges.


Dans les douches collectives de piscines, salles de sport, campings, hôtels, internats…, ainsi que dans les hôtels et les logements, les eaux usées – lavabo, douche, baignoire, lave-linge, lave-vaisselle… – sont évacuées vers l’égout à une température comprise entre 24 et 35 °C. C’est suffisant pour préchauffer de l’eau froide sanitaire, pour peu que l’on installe un échangeur de chaleur après le siphon.
Trois solutions techniques sont aujourd’hui disponibles sur le marché. Les deux premières sont dites passives ou statiques parce qu’elles sont simplement constituées d’échangeurs de chaleur installés soit après le siphon à proximité de l’appareil sanitaire, soit au-delà, au niveau des chutes d’eaux usées. La troisième est dite active parce qu’elle comprend une pompe à chaleur eau-eau, qui utilise les eaux grises stockées comme source froide. Dans tous les cas, le réseau d’évacuation des eaux usées doit être séparatif, c’est-à-dire recueillir séparément les eaux-vannes et les eaux usées.
Les systèmes de récupération de la chaleur contenue dans les eaux grises pour produire de l’eau chaude sanitaire peuvent être valorisés dans la construction neuve grâce au titre V « PAC facteur 7 ». Ils relèvent également de la procédure d’avis technique.

fp52 sol tech 11. Les systèmes individuels
Receveur de douche embarquant un échangeur de chaleur, caniveau d’évacuation également équipé d’un échangeur de chaleur, échangeur de chaleur à installer sur la canalisation d’évacuation ou sous le receveur… Il existe plusieurs types de solutions individuelles. Elles sont en général compactes et rapidement installées. Certaines peuvent même s’intégrer au plancher (entrevous), lors de la construction de la maison.
Mais les rendements de ces systèmes restent assez faibles pour la plupart, généralement compris entre 30 et 40 %, quoique certains fabricants annoncent une récupération de 70 % des calories évacuées. Toutefois, si le gain est moyen, le coût est faible. Le temps de retour sur investissement l’est donc tout autant. Pour une famille de quatre personnes, le gain serait d’environ 200 € par an (par rapport à une production d’eau chaude sanitaire électrique).
Le système de récupération, raccordé après le siphon de la douche ou de la baignoire, détourne l’eau évacuée pour en capter les calories. Celle-ci est ensuite dirigée vers le chauffe-eau instantané, le ballon d’accumulation de l’eau chaude sanitaire et/ou directement sur l’alimentation en eau froide du mitigeur thermostatique de la douche ou de la baignoire. Dans ce dernier cas, la température de l’eau préchauffée ne doit pas dépasser 25 °C, afin d’éviter les risques de légionelles (réglementation sanitaire).
Il existe également des systèmes associant production d’eau chaude sanitaire instantanée et récupérateurs de chaleur des eaux grises. Ils permettent d’éviter les risques de légionelles (donc la limitation de la température à 25 °C), grâce à une chauffe en temps réel.
Selon le CSTB, qui a récemment testé en conditions réelles la récupération de la chaleur des eaux grises, un renvoi simultané vers le mitigeur et la production d’ECS est la configuration qui offre le meilleur rendement.

2. Les solutions collectives
Sur le même principe que le système de récupération individuel décrit ci-dessus, on peut récupérer, par l’intermédiaire d’un ou plusieurs échangeurs installés dans la chaufferie ou dans un local technique, la chaleur des eaux grises issues de plusieurs appareils sanitaires.
De la même manière, l’eau froide est préchauffée en instantané et alimente soit le mitigeur thermostatique, soit un ballon de stockage de l’eau chaude sanitaire, soit les deux. La limite de température de 25 °C, supposée être anti-légionelles, doit là encore être respectée.
Selon les volumes d’eau collectés, un ou plusieurs échangeurs de chaleur installés en parallèle peuvent être prévus. Toutefois, le système n’est adapté qu’aux petites et moyennes installations. Les rendements annoncés, variables selon les solutions disponibles, restent moyens, mais les systèmes sont, là encore, simples, peu coûteux et durables et, par conséquent, rentables.

fp52 sol tech 23. Les systèmes avec une pompe à chaleur
Les systèmes actifs sont notamment décrits dans le guide La Pompe à chaleur, des solutions pour l’eau chaude sanitaire en habitat collectif, édité par l’Afpac, Association française pour les pompes à chaleur, et mis à disposition sur son site Internet.
Ces systèmes récupèrent la chaleur des eaux usées provenant des lavabos, douches, baignoires, machines à laver, voire cuisines, juste avant leur sortie vers le réseau public d’assainissement. Les eaux grises sont évacuées par l’intermédiaire de canalisations calorifugées, afin de maintenir une température des eaux usées de l’ordre de 30 °C, nécessaire pour assurer un bon coefficient de performance à la pompe à chaleur. Elles sont filtrées en amont par un système composé d’un décanteur et de filtres autonettoyants.
Les eaux grises sont stockées dans plusieurs cuves – les volumes à stocker sont importants –, lesquelles sont utilisées comme source froide (évaporateur) d’une pompe à chaleur eau-eau. Celle-ci assure, avec ou sans appoint, la production de l’eau chaude sanitaire qui est accumulée dans des ballons de stockage, son fonctionnement ayant plutôt lieu durant la nuit.
Les eaux grises sont périodiquement évacuées vers le réseau d’assainissement et les cuves sont automatiquement nettoyées.
Le rendement d’une telle installation, qui peut être contrôlée à distance, est élevé. Il n’y a pas de risque de développement bactérien (légionelles), mais l’investissement est plus important et la conception de l’installation nécessite l’intervention d’un bureau d’études.
Un autre système, semi-instantané, fonctionne lorsque les eaux grises sont disponibles en quantité suffisante, un appoint assurant le réchauffage de la boucle de distribution.
Sachez que, au-delà des bâtiments tertiaires et des immeubles collectifs, la récupération de la chaleur des eaux grises peut également avoir lieu dans les collecteurs du réseau d’assainissement public, dans les stations d’épuration et dans les stations de relevages des eaux. Elle permet alors d’alimenter des réseaux de chaleur. Mais ces systèmes, que l’on peut rencontrer en Suisse et en Allemagne notamment, restent peu fréquents en France.

Marianne Tournier

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