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Solution technique

Le véritable enjeu du robinet thermostatique

Le choix des robinets thermostatiques engendre bien des phénomènes dont dépendent le confort thermique des occupants et la performance énergétique de l’installation. Retour sur un composant à débanaliser de toute urgence !


fp48 sol tech 1 ptPour aborder le thème du robinet thermostatique, la première étape consiste à définir ou à rappeler ce que représente ce composant trop souvent banalisé. Une installation de chauffage correctement dimensionnée dispose d’une boucle d’eau chaude et d’émetteurs choisis selon les résultats de calculs afin de répartir la puissance de chauffage elle aussi calculée. Le robinet thermostatique intervient alors tel un organe de régulation, un régulateur d’ambiance. Il est constitué de deux parties distinctes : le corps, c’est-à-dire la vanne de régulation, et la tête thermostatique, jouant le rôle de régulateur par rapport à une consigne donnée. Premier constat : le robinet thermostatique ne peut à lui seul compenser les éventuelles erreurs de dimensionnement de l’installation.

L’équilibrage avant tout !
Le concepteur de l’installation doit toujours privilégier l’équilibrage avant la régulation ; seule la bonne répartition des débits en fonction des besoins réels permettra à une installation d’être régulée efficacement suivant une courbe de chauffe. En effet si l’installation n’est pas hydrauliquement homogène, c’est-à-dire avec les bons débits aux bons endroits, il ne faut pas compter sur la régulation pour améliorer le système. Et dans ce contexte, ce n’est pas non plus parce que les pompes de circulation sont à vitesse variable que les débits sont systématiquement bien répartis.

En théorie : régler chaque radiateur
Dans une boucle d’eau chaude, chaque robinet de radiateur reçoit une pression différentielle différente en fonction de son emplacement par rapport à la pompe de circulation. Cette pression est beaucoup plus élevée pour les radiateurs proches de la pompe que pour ceux qui en sont le plus éloignés. Ainsi, en théorie, si l’on utilise des robinets thermostatiques standard, il est nécessaire de régler la surface de passage du fluide, donc l’ouverture des tés de réglage (les Kv) de chaque radiateur. Cela demande de faire un minimum de calculs (abaques en fonction de la hauteur manométrique et de la puissance du corps de chauffe). Dans la pratique, rien n’est ainsi fait et le débit des radiateurs correspond rarement au débit recherché relatif à la puissance à délivrer. Voilà pourquoi, sur les installations en service, certains radiateurs sont très largement en sur-débit quand d’autres reçoivent juste ce qu’il faut. Compte tenu de la courbe d’émission des radiateurs (rapport du débit sur la puissance), un sur-débit n’occasionne pas de surchauffe importante, mais peut toutefois engendrer du bruit. Et si le robinet thermostatique est bruyant, c’est certainement qu’il reçoit une trop forte pression de l’amont du circuit. De plus, la pompe de circulation, qu’elle soit à vitesse variable ou non, devra fournir une hauteur manométrique bien supérieure, entraînant une consommation électrique excessive.


La variation temporelle (Vt)
La précision de la régulation terminale au niveau de la tête thermostatique et son aptitude à réagir à des variations de charges thermiques induisent un décalage entre la température de consigne initiale (désirée par l’occupant) et la température réellement obtenue. Il est donc nécessaire d’augmenter la température initiale pour compenser ce décalage et garantir l’obtention de la température d’air désirée au centre de la pièce. Cette augmentation artificielle de la température de consigne constitue la variation temporelle d’un émetteur (Vt).
Les valeurs de la variation temporelle sont utilisées notamment pour les calculs de consommation énergétique au niveau de la règlementation thermique RT 2012. Le moteur de calcul considère par défaut un Vt de 0,4. Les fabricants qui disposent de produits certifiés atteignent pour ainsi dire tous une valeur de variation temporelle de 0,2. Cependant, il existe aussi sur le marché des têtes de robinets non certifiées pour lesquelles la valeur Vt est dans la pratique bien supérieure à 0,4, ce qui risque d’induire une consommation d’énergie primaire (Cep) réelle défavorable. Une variation de Vt de 0,1 induirait un différentiel de 2 % sur la valeur du Cep !


Robinets thermostatiques à Kv réglable
Pour répondre à ce problème, les fabricants ont mis au point des corps de robinets thermostatiques à Kv réglable, ce qui a pour avantage d’ajuster la section de passage du fluide (le Kv) beaucoup plus facilement qu’avec des tés de réglage (relativement encombrants). La technologie dite du « siège-clapet » a ses limites !
Cependant, pour que les débits soient proches de ceux souhaités, il faut mettre en place des organes d’équilibrage sur l’ensemble de l’installation, afin de limiter les pressions différentielles appliquées aux robinets.
Néanmoins, lorsque des robinets thermostatiques se ferment sous l’effet d’apports gratuits (ensoleillement, présence de sources de chaleur dans la pièce…) ou simplement à cause d’une consigne de température basse réglée par l’occupant, les débits diminuent, ce qui entraîne une augmentation de pression différentielle sur les autres robinets ouverts de la boucle d’eau chaude, d’où l’augmentation de leur débit. Ce phénomène d’interactivité engendre un inconfort thermique et une augmentation de la température de retour d’eau, néfaste à la performance des chaudières à condensation. L’inconfort est donc doublé d’une surconsommation d’énergie, ce qui est le contraire du but initialement recherché.

Robinet thermostatique  à régulateur de pression différentielle
Les robinets thermostatiques qui incluent un régulateur de pression différentielle apportent une solution au problème d’interactivité entre émetteurs. Ils ont besoin d’un minimum de pression différentielle pour assurer le débit que l’on veut obtenir. Par exemple, 10 kPa pour un débit de 100 l/h). Dès que cette pression différentielle est atteinte le débit est obtenu. Si la pression augmente, le régulateur agit pour contrer l’effet de sur-débit et conserver le débit consigné.
L’intérêt d’un tel robinet à limitation de débit intégré est de maintenir une pression différentielle constante et stable, quel que soit son emplacement dans l’installation. Après avoir réglé les débits souhaités pour chaque radiateur, si des robinets se ferment, comme la pression différentielle appliquée aux robinets ouverts est maintenue, les débits ne fluctuent pas, il n’y a donc pas d’interactivité. C’est aussi la garantie de maintenir des eaux de retour aux températures les plus basses, car l’installation ne sera jamais en sur-débit par rapport aux besoins réels. Ceci permet d’assurer de plus longues périodes de condensation sur les chaudières les plus récentes.
Les robinets à régulateur de pression différentielle intégré sont entièrement compatibles avec les pompes de circulation à vitesse variable. Il faut cependant installer ce type de technologie partout sur une même boucle d’eau chaude. En effet, installés uniquement sur une partie des radiateurs, ils ne résoudront que partiellement le problème. En rénovation, il est utile de s’assurer de la qualité de l’eau, car la présence excessive de boues et de particules en mouvement peut venir perturber les robinets.

Les atouts pour l’installateur et pour ses clients
Ce type de produit est un atout pour l’installateur, qui peut enfin procéder à des réglages de débit pertinents sans calculs complexes. Vis-à-vis de son client, il est également certain que le circuit de chauffage ne sera pas bruyant, que les températures seront fidèles aux consignes et que la consommation d’énergie globale sera optimisée comme il se doit.
Aussi, les occupants des locaux ne peuvent-ils pas modifier eux-mêmes l’équilibrage de l’installation et les débits réglés ne seront-ils jamais dépassés. Par ailleurs, après un abaissement de température nocturne, la remise en régime de l’installation s’effectue de façon homogène : plus besoin d’attendre qu’un robinet thermostatique se ferme pour que d’autres corps de chauffe obtiennent eux aussi du débit.


Michel Laurent

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